La cinéaste helvético-égyptienne Nadia Fares transforme dans son premier long-métrage documentaire, Big Little Women, un hommage à son père égyptien en une chronique historique de la condition des femmes en Égypte et en Suisse. Une lettre filmée personnelle et poétique, présentée notamment à Locarno l'été passé, à découvrir lors d'une séance spéciale en présence de la cinéaste.
Big Little Women de Nadia Fares
(Documentaire, Suisse, Égypte, 2022, 1h26, v.o. s-t fr., 8/14) – Comment parler avec tendresse de luttes féministes à un patriarche éclairé? Métamorphosant un hommage à son père égyptien tant aimé, la cinéaste Nadia Fares raconte de manière personnelle septante-cinq ans de lutte des femmes en Égypte, le pays de son père, et en Suisse, celui de sa mère. Elle brosse le portrait de trois générations de femmes qui se battent pour leurs droits, et explore, en miroir, les effets des traditions patriarcales en Orient et en Occident.
Nadia Fares à propos de son film
Dans la forme, mon film semble être un hommage à mon père. En réalité, j’honore le courage de toutes les femmes qui luttent pour l’égalité des droits en Orient et en Occident.
En épousant un homme africain, ma mère a brisé un tabou qui était encore très fort en Suisse dans les années 1950 et 1960. Elle a payé cette transgression lorsque mon grand-père maternel, le patriarche suisse de l’histoire, a juré de faire expulser ce mari indésirable. En Suisse comme en Égypte, un patriarche a souvent l’autorité de décider du sort des femmes de sa famille. Le destin de mon père, qui était à la fois intimement lié à l’Orient et à l’Occident, sert d’axe dans mon film autour duquel s’articule l’histoire des luttes des femmes en Égypte et en Suisse.
Nawal El Saadawi, pionnière du féminisme dans tout le Moyen-Orient, insiste sur le fait que les hommes sont aussi victimes du patriarcat. Comme ses pairs, mon père a dû s’adapter aux normes de comportement que les sociétés du Moyen-Orient imposent aux maris et aux pères de la région. Le mien a réussi, aussi bien en Suisse qu’après son retour en Égypte, à trouver un équilibre honorable entre ce que les deux pays exigeaient de lui, et ce que lui disait sa conscience “moderne” sur la nécessité de faire évoluer la situation des femmes. Une partie de mon affection et de mon respect pour lui vient du fait que je suis consciente qu’il a fait de son mieux, dans les limites que le destin et les circonstances lui ont imposées.
Bio de la cinéaste
Nadia Fares est une réalisatrice, scénariste et productrice suisse d’origine égyptienne.
Son premier long-métrage, Miel et cendres (1996), a reçu plusieurs prix internationaux et a été salué par la critique pour sa représentation révolutionnaire des femmes arabes contemporaines. Nadia Fares vit et travaille à Los Angeles, au Caire et à Genève, et développe actuellement un nouveau film, Diplomatic Corps, dont le scénario a été sélectionné au New York Writers Lab, programme soutenu par Meryl Streep et Nicole Kidman.
Partenariat
Séance proposée en collaboration avec l'association
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