Grand Prix de Visions du Réel 2024, documentaire percutant et poétique sur le temps qui passe, dans les paysages et dans les rapports humains, The Landscape and the Fury est présenté en avant-première au Cinéma CityClub en présence de la cinéaste Nicole Vögele.
The Landscape and the Fury de Nicole Vögele
(Documentaire, Suisse, 2024, 2h18, v.o. bosnien, farsi, dari, kurde s-t français, 16/16) – Une lande désolée, comme on se l’imagine dans les contes. Nous sommes à la frontière bosno-croate, lardée de cicatrices des guerres des années 90. Ce bout d’Europe, triste et gris, est arpenté par celles et ceux qui fuient les lointains conflits d’aujourd’hui en quête d’un refuge, mais aussi par celles et ceux que la guerre des Balkans a jetés là. Un film sans concession, kaléidoscope de paysages ravagés par des fureurs devenues silencieuses.
Nicole Vögele à propos de son film
« Pour moi, il y a un aspect important d’une forme d’égalité de toutes choses. Un arbre reste un arbre même si quelqu’un se fait tabasser en dessous. Cela peut sembler simple, mais je trouve que pour un être humain qui cherche à comprendre ce que cela signifie d’être en vie, d’être au monde, c’est une chose très difficile : il peut se passer les pires choses, mais au printemps, les arbres bourgeonneront et les fleurs refleuriront. Nous vivons dans des tensions permanentes et ce qui m’intéresse, ce sont les interstices entre ces tensions, les sensations, les ressentis qu’il est difficile d’exprimer. »
«Très tôt dans cet impressionnant long métrage, Nicole Vögele filme une mer d’arbres. La forêt semble à première vue paisible, il y a même parfois quelques plans qui rendent compte du caractère bucolique des lieux. Mais le décor est rapidement rendu lugubre par les traces humaines laissées ici ou là. C’est un bout de semelle figé dans la boue, ce sont les débris d’un Nokia incrustés dans le sol, des vêtements éparpillés au bord de la rivière, des photos d’identité abimées parmi les feuilles d’arbres : autant d’indices suggérant des situations dramatiques et des lieux abandonnés (vidés ?) dans l’urgence. […] The Landscape and the Fury est un film sur le temps : ce sont certes les saisons qui passent à l’écran, mais ce sont surtout les conflits d’aujourd’hui qui se superposent sur ceux d’hier, dans les lieux hantés sur lesquels s’attarde la caméra de la cinéaste.» (Nicolas Bardot, Le Polyester)