Après Il Nido et Love Me Tender, tous deux projetés au Cinéma CityClub, Klaudia Reynicke signe avec Reinas son troisième long-métrage, présenté notamment à Sundance, à Berlin et lauréat du Prix du public cet été à Locarno. La cinéaste helvético-péruvienne ancre son récit dans le Pérou des années 1990 et, s'inspirant de ses propres souvenirs, brosse avec tendresse le portrait d'une famille à un tournant majeur de sa vie. Un film émouvant à découvrir lors d'une avant-première en présence de la cinéaste.
Reinas De Klaudia Reynicke
(Fiction, Suisse/Pérou/Espagne, 2024, 1h45, v.o. s-t fr., 12/12) – Lima, été 1992. Elena et ses filles Lucia et Aurora préparent leur départ du Pérou, secoué par des troubles sociaux et politiques, pour les États-Unis. Animées de sentiments contradictoires, elles envisagent la séparation: de leur pays, de leur famille, de leurs amis et de Carlos, leur père et ex-mari. Ce dernier, personnage farfelu mais charmant, ne s’était plus montré depuis un moment. Maintenant que la date du départ approche, il tente de se rapprocher à nouveau de ses filles…
KLAUDIA REYNICKE À PROPOS DE SON FILM
J’ai quitté le Pérou et une partie de ma famille à l’âge de dix ans pour aller vivre en Europe, puis aux États-Unis. Comme beaucoup de familles, ma mère, son mari et moi sommes partis à cause de la situation sociale, économique et politique du pays qui était au plus mal à cette époque. Au fil du temps, j’ai ressenti un profond désir de retourner dans mon pays d’origine, mais je ne voulais pas le faire comme étrangère ou simple touriste. J’avais besoin de renouer avec mes racines.
Reinas est né de ce besoin de mêler mon histoire personnelle à ma vision cinématographique.
La notion de famille définit une part importante de mon identité. Pour cette raison, j’ai voulu donner un aperçu d’une famille vivant dans le contexte particulier qui nous a fait partir à l’époque. En me concentrant sur deux sœurs qui doivent progressivement accepter leur père comme un parent, alors qu’elles le connaissent à peine, a été l’occasion d’explorer les défis de l’enfance et de la parentalité dans un moment charnière où le départ imminent se mêle au besoin d’appartenance. En ce sens, Reinas aborde la complexité du départ de son pays d’origine et de la séparation en tant que compromis entre douleur et espoir.
Renouer avec mes racines et retourner dans mon pays était un autre défi. Lors des repérages à Lima, nous avons visité plusieurs quartiers à la recherche des maisons idéales, en particulier la maison de la grand-mère où les filles et leur mère passent beaucoup de temps dans le film. La plupart des maisons étaient habitées. Au fur et à mesure de nos visites, beaucoup de souvenirs remontaient à la surface. Les objets, les sons, les odeurs et les couleurs me ramenaient à mon enfance. C’était la même sensation que lorsque, enfant, je rendais visite à mon oncle et à ma tante. D’une certaine manière, quelque chose d’eux et de leur foyer s’est imprimé en moi.
Ce processus exploratoire a été une étape cruciale dans la création du film. Cela m’a permis de renouer avec le pays et ses «reinas» d’une manière intense et organique. Dans toutes ces maisons d’inconnus, j’ai finalement éprouvé un sentiment d’appartenance. Et à ce moment-là, j’ai compris que j’étais revenue à mes racines, à mon pays.
BIO CINÉASTE
Née à Lima, Klaudia Reynicke grandit entre le Pérou, les États-Unis et la Suisse. Après des études en arts visuels et sociologie, elle se consacre au cinéma.
En 2005, elle fréquente la Tisch School of Arts de l'Université de New York où elle réalise son premier court-métrage. Sa rencontre avec la cinéaste suisse Jacqueline Veuve, qu'elle a assistée en 2006, confirme son désir de devenir elle-même réalisatrice. Elle obtient un master en cinéma à l’ECAL et la HEAD en 2010, puis signe deux courts-métrages et plusieurs documentaires. En 2016, elle réalise son premier long-métrage, Il Nido, présenté notamment à Locarno (Cinéastes du présent). Pour ce film, elle s'inspire de l'affaire Luca - un garçon de sept ans retrouvé dans la neige inconscient et couvert de blessures - qui avait ébranlé le Valais en 2002. Love Me Tender (2019), son deuxième long-métrage, aborde avec humour le quotidien d’une jeune femme devant devant faire face à des défis qui la repoussent toujours plus loin dans ses limites. Le film est notamment sélectionné à Locarno, Toronto, Tallinn et Séville. Reinas, son troisième long-métrage, a quant à lui été remarqué aux festivals de Sundance, Berlin et Locarno.