«Le Film de mon père est mon premier film. Celui que mon père a toujours rêvé que je fasse. Et c’est peut-être ça le problème…». Pour son premier long-métrage, le cinéaste suisse Jules Guarneri s'empare du journal filmé de son père et livre un regard empathique et réflexif sur sa famille. Sélectionné et primé à Visions du Réel, Le Film de mon père est à découvrir le 23 janvier en présence du cinéaste et sera ensuite à l'affiche en février.
LE FILM DE MON PÈRE DE JULES GUARNERI
(Documentaire, Suisse, 2022, 1h13, en français) – Jules Guarneri a grandi à Villars, entre un frère et une sœur adoptés, dans un chalet hanté par le fantôme de sa mère décédée lorsqu'il avait vingt ans. Son père y vit encore; solitaire rentier, il lui offre son journal filmé, comprenant plus de vingt heures d'images. Un cadeau dont s’empare le cinéaste pour le faire résonner avec ses propres images…
«Un jour, mon père s’est acheté une caméra et a commencé à se filmer quotidiennement. Son but: me donner ce matériel autobiographique pour que je réalise mon premier film. Le journal intime d’un veuf solitaire, vivant entouré de mon frère et ma sœur adoptés sur la propriété familiale «La Belle Poule». Avant de mourir, il aimerait encore accomplir trois choses: rendre mon grand frère Oskar autonome; se réconcilier avec ma sœur Iwa; et construire un chalet dans le jardin pour que je revienne vivre à leurs côtés. Je filme mon père, son désir de transmission, ma sœur qui lui échappe, mon frère qui tente de se construire. Et moi, au milieu, qui réalise un film comme une étape indispensable pour quitter ma jeunesse…» (
Jules Guarneri)
JULES GUARNERI À PROPOS DE SON FILM
«J’ai grandi à Villars, une station des Préalpes suisses. Mes parents ont adopté mon grand frère et ma grande sœur. Moi, j’ai débarqué au milieu de tout ça par accident.
Je suis le seul fils biologique de mon père, un rentier qui n’a jamais travaillé, et de ma mère, une aristocrate belge décédée lorsque j’étais encore en pleine crise d’adolescence. Je les ai toujours observés comme des personnages de fiction. Mon père me rappelle le Colonel Kurtz, le damné d’Apocalypse Now. Mon frère ressemble au géant indien de Vol au-dessus d’un Nid de Coucou et ma sœur pourrait tout droit sortir d’une comédie dramatique. Très jeune, j’ai pris une caméra pour faire des vidéos de ski et c’est devenu ma passion. Mais mon père cinéphile a toujours rêvé que je réalise des films plus narratifs. Alors quand j’ai évoqué, il y a trois ans, l’idée de tourner un documentaire sur ma famille, mon père s’est immédiatement acheté une caméra, un trépied et un micro pour se filmer quotidiennement et me faire don ensuite de ce matériel. C’est à la fois sa façon de m’encourager, de m’amener vers une certaine indépendance et en même temps, une manière de garder le contrôle. Moi, j’ai vu en lui et en ses actes un véritable film. J’étais lancé. Ce projet est rapidement devenu pour moi une quête personnelle. Plus j’avançais dans la réalisation de ce film, et plus je me réalisais. Plus je me détachais du joug de mon père. Cette quête à la fois créative et émancipatrice est au cœur de ce documentaire. Je pars à la rencontre de ma vocation: faire des films.
Tout a commencé à la mort de ma mère. Durant cette période de deuil, mon père a commencé à s’investir démesurément dans la vie de ses enfants. Il s’est donné pour mission de nous rendre indépendants et de faire tout ce que ma mère aurait voulu accomplir pour nous. Par-dessus tout, il a débuté la construction d’un chalet dans son jardin pour que je retourne vivre à ses côtés. Face à ces évènements, une multitude de questions me sont alors apparues. Jusqu’où peut-on imposer l’héritage qu’on souhaite transmettre à ses enfants? Comment quitter le nid familial? Comment grandir et devenir adulte? Comment s’affranchir du poids que la famille peut générer ou au contraire que garder d’elle?
Ce documentaire vise à questionner nos relations familiales. Il est autant un documentaire sur ma propre construction de jeune adulte et cinéaste que sur le deuil, l’impossible héritage et la difficulté d’une transmission.»
À L'AFFICHE EN FéVRIER
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